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La truite à Joe

Je vous ramène au mois d'août de l'été 2015. Après plusieurs semaines de paroles et de promesses, plusieurs semaines à se remonter mutuellement, j'amenai mon collègue de travail dans mon petit coin secret... enfin de moins en moins secret. N'empêche, Joe est quelqu'un en qui j'ai confiance. Un passionné de pêche, plus à la ligne qu'à la mouche, mais très efficace qui plus est. Je lui promis donc de l'aider un peu avec son lancer et j'avais confiance qu'il prenne une première truite à la mouche, lui qui en a déjà capturé un nombre incalculable à la ligne. Joe est mon aîné d'un nombre d'années qu'il est impoli de divulguer sur ce blogue et est un excellent collègue de travail à la ville. Il aime que les choses soient vite faites, bien faites. Il est toujours de bonne humeur, toujours le petit mot à la lèvre pour faire rire. Ce fut donc avec grand plaisir que j'entrevoyais cette soirée sur la rivière. En arrivant au stationnement, on nous nous parâmes de nos plus beaux habits ou du moins nos préférés : waders, bottes, casquette, lunettes polarisées, veste de pêche et canne bien sûr. Bien sûr... bien sûr la canne, qui oublierais son arme pour le combat, son fleuret, aussi précieux d'un organe; le prolongement de son bras! « Joe, t'en veux-tu une bonne? J'ai pas ma canne...». Joe m'informa qu'on se partagerais la sienne sans problème, petit rire en coin. De bonne guerre. Cet oubli fut en fait un mal pour un bien. Je vécus mes premiers moments comme «guide», sur une rivière que je commençais à plutôt bien connaître. Joe est un habitué de la pêche à la truite, en lac et en rivière, mais avec une canne à mouche, j'avais un peu plus d'expérience que lui, un peu plus veut dire très peu, mais tout de même. Je m'en vantais depuis assez longtemps déjà.

Je «guidai» donc Joe sur la rivière, pour en arriver à la première fosse, toujours payante pour moi dans le passé. Joe s’évertua à lancer aussi près que possible de l'endroit parfait, il changea de mouche, se déplaça, rechangea de mouche, mais après une dizaine de minutes sans résultats, il me passa la canne: « Envoueille le jeune, pogne s'en. Y'en a même pas de truite dans ta rivière.» Un peu froissé dans mon honneur, je me mis à la tache de prendre un poisson. Mon amie la truite mouchetée ne me laissa pas tomber. J'en pris une au second lancé. Je ne voulu pas prendre d'air goguenard et je fus même un peu honteux de l'avoir fait mordre aussi rapidement. C'est que, comme je le fis remarquer à Joe, son lancer était juste un peu trop fort et la présentation s'en trouvait trop brutale.

Arrivé à un second bon spot, Joe s'appliquât de belle façon et eu enfin des résultats. Ces lancés étaient maintenant plus qu'acceptables; bien précis et subtiles. Après un ou deux gobages manqués, je sentis la passion de Joe ressortir et son rythme cardiaque augmenter en flèche; symptômes du pêcheur tout à fait réguliers et bien documentés. Il la voulait cette truite à la mouche et il l'eût. Une magnifique mouchetée, aux couleurs typiques des hôtes de cette rivière avec une robe de toute beauté.

Je n'ai pas la prétention d'avoir appris quoi que ce soit à mon collègue, mais nous passâmes une superbe soirée ensemble, qui donna lieu à une foule d'anecdotes, de discussions et nous fis rêver, encore et toujours, à d'autres truites, reines discrètes de nos rivières.


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