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À mouche égale, on compare les nœuds

C'est tout de suite en revenant du Bas-Saint-Laurent que j'allai rejoindre Martin au «pont» pour une partie de pêche à l'achigan. Mon ami avait déjà pêché ce cours d'eau plus tôt dans la semaine, nous décidâmes donc de marcher un peu pour atteindre la rivière plus en amont et ainsi laisser un répit aux poissons dont la lèvre était fraîchement trouée et les muscles probablement encore fatigués. Cela nous laissa l'occasion d'observer l'eau: plutôt limpide malgré les fortes pluies de la veille, nous n'aurions aucun mal à repérer le black-bass. La pêche commença dans la générosité. - Tu vois le gros là-bas, près de la pierre submergée? Prends-le. Martin connaissait la bête. Il l'avait prise l'été passé. Le centrachidé de trois livres et demi, en gobant sa mouche, lui avait offert un combat qui, à mon avis, est encore bien gravé dans sa mémoire! Mon compagnon de pêche jugea tout bonnement que c'était à mon tour de valser avec le monstre. Chose que je fis, et c'est lui qui mena le bal. Deux bonds hors de l'eau qui atteignirent le mètre en hauteur, suivis de vives saccades qui allèrent de droite à gauche et vice versa. Et je tendis la ligne de plus en plus pour rapprocher l'acrobate... jusqu'à ce que ce dernier réussisse à casser mon avançon. Du moins c'est ce que je croyais, car je remarquai plus tard que la ligne n'avait pas été cassée, mais que le noeud de ma mouche s'était relâché! Un noeud de pêche ne se délie que pour deux raisons. Soit le poisson sait faire des prouesses avec sa langue et peut dénouer aisément des mouches ( à la manière inversée du truc de la queue de cerise ), soit le noeud est tout simplement mal effectué. Dans ce cas précis, j'optai pour la deuxième option: erreur technique (n'est-ce pas Martin?) N'empêche que le combat fût stimulant et que ma saison de pêche démarra bien! J'avais maintenant bonne confiance de prendre du poisson dans la soirée.

Il me semble que nous étions tous les deux, Martin et moi, appareillés avec des Wooly Bugger en commençant la pêche. (Note à moi-même : ne jamais utiliser la même mouche qu'un autre pêcheur au même moment que lui. La raison est toute simple. En ayant des mouches différentes, si lui prend plus de poissons que moi, je m'en sauve en disant que c'est à cause de sa mouche. Si c'est moi qui prend davantage, c'est bien sûr parce que j'ai fait un meilleur choix quant à l'habillage de mon hameçon. Avec des leurres identiques, le pêcheur qui ferre le moins de poisson n'a pas d'autres choix que s'avouer vaincu. Vaut mieux ne pas courir ce risque.) Martin attrapa la première prise de la soirée (en ne comptant pas l'achigan capable de dénouer du fil dans sa bouche), un joli spécimen atteignant presque une livre. De mon côté, je me rendis vite compte que j'obtiendrais probablement plus de succès avec une Mickey Finn...

Juste après le coude de rivière suivant, un spot attira mon attention. Le talus (lire berge cultivée trop près de l'eau et très érodée) était de forme presque concave et offrait un ombrage intéressant sur le premier mètre de surface d'eau. Le courant y était léger et la zone parsemée de petits rochers submergés. Martin me confirma, grâce à des verres polarisés, qu'un flanc écailleux et brillant semblait bouger à cet endroit. Je remplaçai au feeling le Mickey Finn par un streamer jaune un peu plus imposant (taille 10 environs) que je déposai assez doucement entre deux rochers. Clac! Attaque presque instantanée! L'achigan livra une bonne bataille qui dura quelques minutes et je le sorti de l'eau, juste le temps d'observer ses belles rayures dorées et ses yeux rouge-orangés. Il put ensuite regagner son nid. N'ayant pas péché de l'été l'an dernier, j'avais presque oublié ce qu'était le sentiment de voir une mouche se faire attaquer en surface! Un genre de déclic dans la concentration, une cassure dans la contemplation, qui enclenche aussitôt l'éveil total des sens. Le gobage est sans aucun doute le moment de la pêche que je préfère. En quelques fractions de seconde, le ferrage doit se faire, le combat commence! La pêche continua comme ça durant près de 3 heures. Martin et moi prîmes encore un ou deux poissons chacun. La rivière coulait tranquillement de chaque côté de nos bottes et l'odeur des pruches s'affirmait de plus en plus. Nous décidâmes de quitter la rivière lorsque les carpes patrouilleuses semblèrent prendre le relais des eaux pour le quart de soir et que les petits soldats rayés que nous traquions se firent de plus en plus rares. Tout de même, Martin ferra un dernier achigan devant moi avant de partir... C'était évidemment, et vous l'aurez deviné, à cause de sa mouche.


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